L’année de saint Joseph, une chance pour l’Église

sangiuseppe

Les évènements de cette fin d’année 2020 nous offrent un scénario bien différent de celui que nous avions fin 2019. Il y a un an, l’issue du Synode Pan-amazonien, qui n’était parvenu à concrétiser aucune des attentes progressistes, de l’abolition du célibat ecclésiastique au sacerdoce des femmes, confirmait l’inexorable déclin du pontificat du pape François. Sur le plan de la politique internationale, la victoire électorale de Donald Trump en 2021 semblait acquise, sans qu’aucune fraude ne puisse l’ébranler. Contre les forces révolutionnaires qui dominent le monde, la résistance se manifestait de multiples manières : des grands événements pro-life aux manifestations anti-communistes de Hong-Kong, et jusqu’aux rassemblements catholiques de l’Acies ordinata. Les groupes les plus liés à la Tradition, substantiellement unis sur leurs objectifs, menaient la bataille.

A un an de distance, le scénario a changé. L’aspect le plus préoccupant du panorama que nous avons sous les yeux n’est pas la pandémie de Covid, ni le « grand Reset » dont on parle tant, ni même la défaite inattendue du président Trump, mais bien la division qui voit le jour parmi les défenseurs de l’Eglise et de l’ordre naturel chrétien. Les points sur lesquels porte cette division ne sont pas d’ordre théorique, mais pratique ; ils sont une conséquence directe du coronavirus. Les vives discussions sur l’existence d’une conspiration sanitaire ou sur la licéité de la vaccination touchent en effet la vie quotidienne et suscitent dès lors parmi les catholiques des sentiments d’émotion, de colère ou de dépression : le sentiment d’une menace obscure et une atmosphère diffuse de révolte sourde contre tout et contre tous. Le monde, agité et inquiet, attribue ce qui arrive aux gouvernements ou aux forces occultes, sans remonter aux causes ultimes, les péchés des hommes. Les châtiments divins ne sont pas reconnus comme tels et la grâce divine ne peut opérer là où règnent excitation et agitation fébrile. La grâce demande le calme, la réflexion et l’ordre dont la sainte Famille fut le modèle. C’est pour cela qu’il n’y a rien de mieux, en ce temps de l’Avent, que d’élever notre regard vers saint Joseph qui, dans le froid et l’ombre d’un voyage difficile, a conduit à Bethléem, avec prudence et courage, la sainte Famille qui lui était confiée.

Saint Luc nous dit qu’il y eut, en ces jours, un édit de l’empereur Auguste, « ut describeretur universus orbis », c’est-à-dire « ordonnant de faire un dénombrement des habitants du monde », en vertu duquel « tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville » (Lc 2,3) ; et Joseph « monta à la ville de David, qui s’appelle Bethléem – parce qu’il était de la maison et de la lignée de David » (Lc 2,4). Le recensement ordonné par Auguste était inspiré par l’orgueil d’un empereur qui prétendait exercer sa domination sur le monde entier. Beaucoup de juifs alors se berçaient des illusions d’une rébellion stérile et inefficace. Comme le rappelle le P. Faber, ils regardaient dans toutes les directions au lieu de se tourner vers la grotte de Bethléem. Et, quand le Messie vint, Il fut pour eux une pierre de scandale (Bethléem, ou Le mystère de la Sainte Enfance, vol. 1, Bray, Paris 1862, p. 174).

La Très-Sainte Vierge Marie et saint Joseph ne se révoltèrent pas, mais, comme le relève le vénérable Luis de la Puente, ils se reconnurent sujets d’Auguste et voulurent lui payer le tribut, précisément pour confondre, par cet exemple, la superbe et la convoitise du monde (Meditazioni, trad. it. Giacinto Marietti, Turin 1835, vol. II, p. 145). Dieu, en effet veut que nous obéissions à ceux qui nous gouvernent, même s’ils commandent dans une intention mauvaise, pour autant que ce qu’ils exigent ne soit en soi ni illicite, ni contraire à la loi divine.

Le mot « autorité », dérive, dans les différentes langues, du latin augere, « augmenter, accroître ». Saint Joseph, défini comme filius accrescens (Genèse 49, 22), celui qui croît, incarne le principe d’autorité, entendue d’abord au sens d’un service pour la croissance de notre prochain. Il était le père adoptif de l’Homme-Dieu et le très chaste époux de la mère de Dieu, mais il exerçait l’autorité sur Jésus et Marie qui lui obéissaient. Et pourtant, personne ne fut, comme lui, obéissant aux décrets divins, lorsqu’il se mit en route vers Bethléem.

Le 8 décembre 1870, le bienheureux Pie IX, par le décret Quemadmodum Deus, proclamait saint Joseph Patron de l’Eglise Catholique. Ce décret donnait une forme canonique à l’affirmation que saint Joseph protège l’Eglise comme il a, durant sa vie, protégé de son autorité la Sainte Famille.

Pour célébrer le cent-cinquantième anniversaire du décret de Pie IX, le pape François a proclamé une année de saint Joseph du 8 décembre 2020 au 8 décembre 2021. A cette occasion, la Pénitencerie Apostolique, tribunal suprême de l’Eglise, a concédé aux fidèles le don extraordinaire d’indulgences spéciales. Par un décret du cardinal Mauro Piacenza, pénitencier majeur de l’Eglise, émis conformément à la volonté du pape François : « la Pénitencerie Apostolique concède l’indulgence plénière aux conditions habituelles (confession sacramentelle, communion eucharistique et prière aux intentions du Saint Père) aux fidèles qui, l’âme libre de tout péché, participeront à l’année de saint Joseph selon les modalités indiquées par cette Congrégation ».

Les modalités d’obtention de l’Indulgence sont nombreuses. On mentionnera la récitation du chapelet en famille, la récitation des Litanies de saint Joseph, ou de toute autre oraison approuvée par l’autorité ecclésiastique, en l’honneur de saint Joseph, par exemple la prière à saint Joseph protecteur de l’Eglise universelle de Léon XIII, à réciter en particulier lors des fêtes du 19 mars, du 1er mai et celle de la Sainte Famille, le 19 de chaque mois et chaque mercredi, jour dédié à la mémoire de saint Joseph.

Bien peu ont relevé la pertinence de ce décret de la Pénitencerie apostolique. Nous savons en effet que l’indulgence est la rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée et que le fidèle obtient par l’action de l’Eglise qui a l’autorité pour distribuer le trésor des satisfactions du Christ et des saints. L’Eglise n’est pas une réalité invisible, mais une société juridiquement parfaite, pourvue de tous les moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission. On peut critiquer le pape François, et même sévèrement, mais aussi longtemps qu’on le considère comme le vicaire légitime du Christ, les actes juridiques qu’il pose sont valides, sauf s’ils s’opposent à la Tradition de l’Eglise. Ce n’est pas le cas des indulgences qu’il a, en tant que pape, le droit d’accorder en vertu du pouvoir des clés accordé à Pierre et à ses successeurs : « Je te donnerai les clefs du royaume des Cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié » (Mt 16, 19).

Ceux qui nient la validité de ces indulgences acceptent, tout au moins de facto, la thèse que le pape François est un pape faux ou illégitime, chef d’une autre « Eglise », qui n’est pas l’Eglise catholique. Ceux qui, tout en le considérant comme le pape, ignorent ou minimisent la portée de son acte juridique, prennent la responsabilité de priver beaucoup d’âmes d’un surcroît de grâce et de gloire et d’autres âmes de la délivrance du purgatoire. Chaque fidèle peut en effet gagner des indulgences, plénières ou partielles, pour lui-même ou les appliquer aux défunts par des suffrages. Gagner l’indulgence plénière n’est pas facile : il y faut une disposition de l’âme qui exclut toute inclination au péché même véniel. Mais, quoi qu’il en soit, toute indulgence, même partielle, est un grand don de l’Eglise parce qu’elle efface, en tout ou partie, sur la terre ou au purgatoire, les peines dues aux péchés.

Nous ne pouvons pas juger les intentions du pape François, mais nous devons souligner qu’en ces temps de confusion où les fidèles catholiques ont besoin d’un secours spécial de la grâce, il leur a offert une aide précieuse. Après la Sainte Vierge, aucune créature humaine n’eut jamais la foi de saint Joseph et personne ne fut, plus que lui, homme de raison et de réflexion. Au cours de cette année qui lui est consacrée, demandons à saint Joseph le sens de la foi et l’usage de la raison nécessaires pour nous guider, sans nous égarer, vers la grotte divine de Bethléem.