L’Occident en guerre

CR1816-Foto-01

« Allah Akbar ! », « Allah est grand ! » Ce cri a résonné dans le monde entier, grâce aux vidéos qui ont fait connaître les violences des militants islamistes contre des femmes, des enfants, des jeunes de toutes nationalités, massacrés ou enlevés le 7 octobre 2023, tandis qu’une pluie de missiles s’abattait sur Israël. La même invocation « Allah Akbar ! » fut reprise les jours suivants dans les villes arabes et sur les réseaux sociaux occidentaux pro-islamiques, pour célébrer l’agression du Hamas contre Israël. Peu importe que cette attaque ait été commise sur le territoire israélien et non sur le sol européen : ce qui compte c’est qu’une nouvelle guerre a été déclarée.

L’attaque a eu lieu à l’aube d’un jour symbolique pour l’Occident : l’anniversaire de la victoire de Lépante du 7 octobre 1571, tout comme l’attentat du 11 septembre contre les tours jumelles à New York avait coïncidé avec l’anniversaire de la libération de Vienne, délivrée de la domination turque entre le 11 et le 12 septembre 1683. Deux événements emblématiques pour l’Islam qui entend les venger par le jihad, la « guerre sainte », cette doctrine qui impose à tout musulman d’étendre au monde entier la sharia, la loi religieuse et politique d’Allah.

L’Islam n’est pas une religion monolithique. Pourtant, toutes les tendances en son sein s’accordent sur la nécessité de la lutte contre l’Occident corrompu. Dans cette lutte, l’Islam ne fait pas de distinction entre chrétiens et juifs. Signée et inspirée par Osama Bin Laden et Ayman al-Zawahiri, la Déclaration du Front islamique mondial pour le jihad contre les juifs et les croisés fut promulguée le 23 février 1998. Le premier objectif du Front islamique, comme du Mouvement de Résistance islamique (Hamas), est la reconquête de Jérusalem, la cité d’où le prophète Mahomet se serait envolé sur un char de feu et où se dresse la mosquée Al-Aqsa, construite sur les ruines du Temple. Le second objectif est la conquête de Rome, appelée aussi « la pomme rouge » (Kizil-Elma), allusion au globe d’or qui surmontait la statue de l’Empereur Constantin dans la capitale byzantine. Après Constantinople, Rome est devenue la « Pomme rouge », objectif ultime du triomphe de l’Islam sur la chrétienté.

La stratégie d’expansion de l’Islam prévoit l’invasion migratoire de l’Europe et la destruction de l’État d’Israël. Dans les jours où se perpétrait l’attaque contre Israël, est née à Paris l’« Alliance des mosquées », la nouvelle association des musulmans d’Europe, sous l’inspiration de l’aile des Frères musulmans qui théorise le « soft jihad », l’islamisation « douce » de l’Europe. L’attaque du Hamas de ce 7 octobre est, quant à elle, une manifestation retentissante du « hard jihad », qui passe par la guerre et le terrorisme. Derrière la première ligne stratégique se tient la Turquie, qui contrôle les flux migratoires en Europe et cherche, depuis des années, à intégrer l’Union Européenne pour la démembrer. Derrière la seconde ligne se tient l’Iran, avec ses agents Hamas et Hezbollah, qui encerclent Israël au Sud et au Nord.

Le 5 octobre dernier a été présenté à l’université LUISS de Rome un rapport réalisé par la Fondation Med-Or sur le thème Ennemi silencieux. Présence et évolution de la menace jihadiste dans la Méditerranée large. Le rapport décrit en détails le développement du phénomène jihadiste, actif en beaucoup de lieux du bassin méditerranéen étendu, en portant une attention particulière à l’Afrique, principal terreau d’incubation de ce phénomène. Le conflit ukrainien a monopolisé l’attention internationale, mais le rapport prévient que le jihadisme fait partie d’une opération de grande ampleur pour déstabiliser l’Occident, dans un contexte géopolitique dont l’Islam n’est pas le seul acteur.

Le même 5 octobre, lors de la XXe Assemblée du think tank russe Valdaj Club, Vladimir Poutine a prononcé un discours programmatique sur la Juste multipolarité. Il y a parlé de l’existence d’une « guerre civile en cours » et en a appelé aux liens de la Russie avec le monde arabe, la Chine et l’Inde pour combattre le rôle hégémonique de l’Occident. D’autre part, le conflit ukrainien a révélé l’existence d’une ligne de front à l’intérieur même de l’Europe et des États-Unis : certains regardent avec sympathie vers Poutine et critiquent l’appui occidental à l’Ukraine. L’idée d’« ennemis de l’Occident » semble disparaître dans la conscience d’une partie de l’opinion publique européenne. Cette attitude de bienveillance envers les agresseurs est l’un des facteurs psychologiques qui expliquent la débâcle du système de renseignements israélien, considéré comme le plus efficace du monde mais qui s’est révélé incapable de prévoir l’attaque du 7 octobre, entre autres raisons pour s’être bercé d’illusions sur la possibilité de dialogue entre Israël et le Hamas.

On s’approche entre-temps de l’ouverture d’un troisième front, celui de Taiwan, dont la Chine prépare l’invasion. Il ne sera pas facile pour les États-Unis de soutenir simultanément leurs alliés sur des champs de bataille multiples, en Europe orientale, au Moyen-Orient et en Extrême-Orient. Et tout cela à un an des élections américaines, qui s’annoncent comme la lutte entre deux candidats, Joe Biden et Donald Trump, tous deux, pour diverses raisons, usés et handicapés ; tandis qu’aux élections européennes se profile la victoire d’un « troisième parti » – dans la ligne du nouveau premier ministre slovaque Robert Fico et, en France, de l’éventuelle présidente Marine Le Pen, décidés l’un et l’autre à accroître l’écart entre l’Europe et les États-Unis. Les ennemis de l’Occident comptent sur sa faiblesse, surtout depuis l’abandon infâmant de l’Afghanistan en 2021, sanction d’une terrible défaite morale des États-Unis et de l’Europe. Cette faiblesse, avant d’être politique, est morale et a ses racines dans la perte de l’identité de l’Occident.

Un symptôme tragiquement éloquent de cet égarement nous est offert par la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui l’Église catholique. Le 1er octobre, devant les participants aux participants à l’Assemblée générale du Synode des Évêques, le Père Timothy Radcliffe, ancien Maître général des Dominicains, a commencé sa méditation par ces mots : « Quand le Saint-Père m’a demandé de prêcher cette retraite, je me suis senti très honoré, mais aussi nerveux. Je suis profondément conscient de mes limites personnelles. Je suis vieux – blanc – occidental – et homme ! Je ne connais rien de pire. Tous ces aspects de mon identité limitent ma compréhension. C’est pourquoi je demande votre indulgence pour l’insuffisance de mes paroles ».

Le refus de son identité propre de blanc, d’occidental, d’homme – et pourquoi pas aussi de prêtre ? – révèle l’abîme où se précipitent les sommets de l’Église, devant une attaque bien plus grave que celle des invasions barbares des Ve et VIe siècles. À cette époque, l’Église conduite par de grands pontifes n’a jamais abandonné son poste, alors qu’aujourd’hui elle renonce à sa mission.

Une profonde différence théologique existe entre les catholiques et les juifs, que leur négation de la Sainte Trinité rapproche plus de l’Islam que de l’Église de Rome. Mais ce qui reste de l’Europe chrétienne combat le même ennemi qu’Israël. De la même manière, la Russie veut recueillir l’héritage de Constantinople, alors que l’Islam est l’héritier des Turcs qui l’ont détruite ; mais ils ont aujourd’hui un ennemi commun : l’Occident, cible économique, politique et militaire de la Chine communiste, qui se proclame héritière des erreurs de Marx et Lénine que la Russie a répandues dans le monde.

La confusion est dramatique et la guerre, comme les catastrophes naturelles, semble enserrer l’Europe dans un étau inexorable. C’est « une guerre du chaos » à laquelle on ne peut échapper, écrit Victor Macioce dans Il Giornale du 9 octobre : « C’est un destin qui te poursuit de maison en maison et touche l’Europe et l’Italie ».

L’Italie est le cœur du monde parce qu’elle abrite la Chaire de Pierre, unique fondement d’une possible renaissance de la civilisation chrétienne. Et il est nécessaire de rappeler que tout est possible à Dieu, alors même que tout semble perdu. Nous devons le croire avec une profonde confiance en la Divine Providence, en l’une des heures les plus sombres de l’histoire de l’humanité.